12 juillet 2024 – Fin de la procédure de consultation concernant la modification de plusieurs ordonnances visant à interdire l’importation de fourrures provenant d’animaux ayant subi de mauvais traitements.
L’Alliance animale Suisse (AAS) et les organisations partenaires de l’initiative fourrure demandent une interdiction d’importation pour les particuliers aussi
Le 10 avril 2024, le Département fédéral de l’intérieur (DFI) a mis en consultation jusqu’au 12 juillet 2024 la révision de plusieurs ordonnances (1) réglant l’interdiction des importations de fourrures et produits de la pelleterie provenant d’animaux ayant subi de mauvais traitements.
Globalement, l’AAS et les organisations partenaires de l’initiative fourrure (2) saluent le projet du DFI et la volonté du Conseil fédéral de mettre un terme à l’importation de fourrures issues de méthodes que notre législation interdit. Ce projet répond en grande partie aux buts et objectifs de l’initiative fourrure, mais comporte plusieurs dispositions qui permettront de contourner l’interdiction.
Les nouvelles dispositions, en bref :
Le projet du DFI s’appuie sur l’art. 14, al. 1 de la Loi fédérale sur la protection des animaux (LPA), lequel dispose que le Conseil fédéral «peut, pour des raisons relevant de la protection des animaux, soumettre l’importation, le transit et l’exportation d’animaux et de produits d’origine animale à certaines conditions, les limiter ou les interdire».
La nouvelle réglementation vise à interdire «l’importation de fourrures et de produits de la pelleterie issus d’animaux ayant subi de mauvais traitements». Sera qualifiée de mauvais traitement «toute méthode qui entraîne de l’anxiété et des maux chez les animaux détenus ou chassés en vue de produire des fourrures, ou qui cause des douleurs aux animaux détenus ou chassés en vue de produire des fourrures» (3).
L’interdiction ne s’applique pas aux produits issus d’animaux n’ayant pas subi de mauvais traitements. Il s’agira de fourrures produites selon les principes directeurs en matière de bien-être des animaux édictés par l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA). Ceux-ci sont réalisés s’il y a «absence de douleur, de lésions et de maladie» et «absence de peur et de détresse».
C’est à l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) que reviendra la charge d’établir, dans un délai de deux ans, la liste des pays et des entreprises pouvant continuer à importer des fourrures en Suisse.
Les produits en fourrure issus d’animaux ayant subi de mauvais traitements pourront toujours être importés s’ils proviennent d’une succession, en tant que bien de déménagement, à des fins d’exposition ou de recherche non commerciale, ou s’ils sont emportés par un voyageur pour son usage personnel.
Le DFI admet également certaines méthodes, comme l’utilisation de «pièges à percussion dans lesquels les animaux entrent volontairement et dont le mécanisme les tuent instantanément».
Prise de position de l’AAS et des organisations partenaires de l’initiative fourrure
Le projet du DFI apporte enfin de la cohérence entre les dispositions votées par notre parlement fédéral pour protéger les animaux de pratiques cruelles, et les échanges commerciaux qui autorisent sans condition l’importation de produits issus d’animaux maltraités, au prétexte qu’ils proviennent de l’étranger et que la liberté économique prime sur des questions éthiques et de moralité publique.
La volonté du DFI de s’appuyer sur les principes directeurs de l’OMSA, qui est une organisation intergouvernementale œuvrant dans le monde entier en faveur de la santé animale, pour définir ce qui peut être considéré comme de la maltraitance envers les animaux, plutôt que sur notre législation sur la protection des animaux fait sens, s’agissant d’appliquer des dispositions touchant le commerce international.
Interdiction d’importer des fourrures et des produits de la pelleterie issus d’animaux ayant subi de mauvais traitements : pour les particuliers aussi !
A l’inverse, si l’exception prévue à l’interdiction d’importation peut être admise en cas de bien de déménagement, provenant d’une succession ou à des fins d’exposition ou de recherche non commerciale, il est incompréhensible qu’une exception s’applique également à «un voyageur pour son usage personnel» (4) . Une telle disposition revient à contourner les dispositions prévues et à les rendre totalement inopérantes.
L’OSAV prévoit pourtant d’interdire aux particuliers l’achat sur des plateformes de vente en ligne de fourrures qui contreviennent aux dispositions de l’OMSA. Mais s’agissant de l’achat d’une fourrure à l’étranger pour la ramener en Suisse, il argumente que cela nécessite un «effort» plus important et qu’une interdiction serait disproportionnée (5).
Si l’interdiction des achats en ligne est évidemment soutenue, on saisit mal l’argument de l’effort «plus élevé» que devrait fournir un particulier pour ramener une fourrure d’un voyage. Les particuliers ne vont pas spécialement organiser un voyage pour ramener une fourrure, mais profiteront simplement d’un voyage à l’étranger pour le faire. A titre d’exemple, selon l’Office fédéral de la statistique, rien que pour les vols aériens, notre pays compte le plus grand nombre de déplacements par habitant, juste après les Émirats arabes unis et la Norvège. Cela correspond pour chaque suisse à une moyenne de 1,6 vols par année, avec pour destination une ville européenne dans presque 80% des cas. Plus globalement, les statistiques indiquent que 80% à 90% de suisses effectuent au moins une fois un voyage à l’étranger chaque année. Ainsi, le risque de tourisme d’achat ne concerne pas seulement les habitant-e-s de quelques cantons partageant une frontière avec un autre État, mais la quasi-totalité des habitant-e-s de notre pays.
Interdire à nos commerces la vente de fourrure issue d’animaux maltraités, mais autoriser sans limite son importation par des particuliers revenant d’un voyage à l’étranger n’a aucun sens. Sauf à vouloir rendre totalement inopérante l’interdiction visée.
Pas de dérogation pour les fourrures provenant d’animaux tués par des pièges à percussion
Autre disposition contestable, l’utilisation de pièges à percussion pour la production de fourrure. Si ce type de piège, utilisé en Suisse pour l’élimination des petits rongeurs, semble effectivement tuer ces animaux sur le coup, tel n’est pas systématiquement le cas lorsqu’il s’agit d’animaux de plus grande taille comme le coyote. De nombreux cas d’agonies sont rapportés dans les pays où ces animaux sont chassés pour leurs fourrures, notamment en Amérique du Nord.
Émettre cette exception signifie que l’OSAV aura les moyens de mettre en place des contrôles, notamment des organismes locaux certifiant les modes de captures, ce dont on peut douter, vu l’ampleur du travail à effectuer. Une exception ne devrait pas être tolérée s’il persiste un doute sur la conformité de la méthode. Enfin, ces pièges à percussion sont également non sélectifs et provoquent chaque année la mort inutile d’animaux sans intérêt pour l’industrie de la fourrure, ce qui accentue le problème éthique de leur utilisation.
Historique de l’initiative fourrure
Depuis plus de 40 ans, différentes organisations de protection des animaux luttent activement en Suisse, à l’aide d’affiches et de campagnes d’information, pour l’interdiction des produits en fourrure issus d’élevages et de captures cruels pour les animaux.
1er mars 2011 : Rejet par le Parlement fédéral de l’initiative parlementaire 09.428 «Interdire l’importation des peaux et des fourrures d’animaux ayant subi de mauvais traitements» déposée le 30 avril 2009 par la Conseillère aux États socialiste Pascale Bruderer Wyss.
29 novembre 2017 : Rejet par le Parlement fédéral de la motion 15.3832 «Interdire l’importation de produits provenant d’animaux ayant subi de mauvais traitements» déposée le 10 septembre 2015 par le Conseiller national socialiste Matthias Aebischer.
6 juin 2019 : Classement du postulat 14.4286 «Mettre un terme à l’importation et à la vente de produits de la pelleterie provenant d’animaux ayant subi de mauvais traitements» déposé le 12 décembre 2014 par la Conseillère aux États socialiste Pascale Bruderer Wyss.
17 décembre 2021 : Classement sans traitement de la motion 19.4583 «Produits provenant d’animaux ayant subi de mauvais traitements. Producteurs nationaux et étrangers sur un pied d’égalité» déposée le 20 décembre 2019 par la Conseillère nationale UDC Barbara Keller-Inhelder.
30 mai 2022 : Rejet par le Parlement fédéral de la motion 19.4425 «Interdire l’importation de produits de la pelleterie issus d’animaux maltraités» déposée le 12 décembre 2019 par le Conseiller national socialiste Matthias Aebischer.
29 juin 2022 : Lancement par l’Alliance animale suisse, soutenue par une vingtaine d’organisations de protection des animaux, de l’initiative populaire fédérale «Oui à l’interdiction d’importer des produits en fourrure provenant d’animaux ayant subi de mauvais traitements (initiative fourrure)».
Avril 2023 : Le Conseil fédéral charge le DFI d’élaborer un projet de consultation visant à interdire l’importation des fourrures et des produits de la pelleterie provenant d’animaux ayant subi de mauvais traitements et de réaliser à une analyse d’impact de la réglementation.
28 décembre 2023 : Dépôt à la Chancellerie fédérale de l’initiative fourrure munie de 116’140 signatures sur les 100’000 nécessaires.
20 février 2024 : La Chancellerie fédérale confirme l’aboutissement de l’initiative fourrure avec 113 474 signatures valables. Conformément à l’article 97 de la loi sur le Parlement, le Conseil fédéral dispose d’un délai maximal de 12 à 18 mois pour transmettre à l’Assemblée fédérale sa position sous forme d’arrêté.
10 avril 2024 : Le Conseil fédéral annonce rejeter l’initiative fourrure. Reconnaissant malgré tout que les objectifs de l’initiative sont « compréhensibles », il prévoit de lui opposer un contre-projet indirect par une modification de la loi sur la protection des animaux, qui serait présentée au Parlement d’ici l’été 2025. Afin qu’une interdiction d’importer des fourrures puisse entrer en vigueur rapidement, il compte modifier plusieurs ordonnances et ouvre une procédure de consultation jusqu’au 12 juillet 2024.
11 juillet 2024 : Envoi de la prise de position de l’AAS concernant la procédure de consultation visant l’interdiction d’importation des fourrures (15).
Sources :
(1) Il s’agit des ordonnances réglant les échanges d’importation, de transit et d’exportation d’animaux et de produits animaux avec les États membres de l’UE, l’Islande et la Norvège et l’Irlande du Nord (OITE-UE) et les pays tiers (OITE-PT), ainsi que la nouvelle ordonnance du DFI relative à la liste de pays applicable à l’importation de fourrures et de produits de la pelleterie.
Tous les documents liés à la procédure de consultation n° 2023/94 du 10 avril 2024 «Modification d’ordonnances dans les domaines des denrées alimentaires et de l’importation, du transit et de l’exportation d’animaux et de produits animaux » peuvent être téléchargés ici
(2) L’Alliance animale suisse est composée des organisations Animal Trust, Animal équité (AAE). Les organisations partenaires sont Wildtierschutz Schweiz, ATRA, Swissveg, Animal rights Switzerland, VGT, TPS, Anti Fur League, Pro Nutz Tier, Fondation SOS Chats Noiraigue, SPA Fribourg, SPA Jura (AJPA), KAGfreiland, Société vaudoise pour la protection des animaux (SVPA), SPA la Côte, Dachverband Berner Tierschutzorganisationen, Stop Gavage Suisse, SOS Chats Meyrin, NetAP, Fondation Susy Utzinger, PETA Schweiz
https://pelz-initiative.ch/soutien/
(3) art.10a, al. 3 OITE-PT et 5a, al.3 OITE-UE
(4) art.10b OITE-PT et 5b OITE-UE